J’avais tort !
Pendant longtemps, je n’utilisais pas la babynoradrénaline pour traiter l’hypotension induite par le bloc sympathique chez les femmes enceintes après une rachianesthésie.
Comme beaucoup, je me fiais aux protocoles classiques à base d’éphédrine, persuadé que c’était la meilleure option.
Mais un jour, face à une patiente qui faisait une hypotension sévère malgré plusieurs bolus d’éphédrine, j’ai décidé de tester la babynoradrénaline.
La différence a été flagrante : une stabilisation rapide, sans tachycardie réflexe marquée.
Depuis, je me rends compte que j’avais tort de ne pas l’avoir adoptée plus tôt.
Par habitude, par confiance dans ce que je connaissais déjà, j’ai fermé les yeux sur une alternative plus efficace.
Et c’est précisément de ce biais dont je veux vous parler aujourd’hui.
« Expertise is great, but it has a bad side effect: It tends to create the inability to accept new ideas. » – Dean Williams. (Traduction : L’expertise est précieuse, mais elle a un effet secondaire néfaste : elle tend à rendre incapable d’accepter de nouvelles idées.)
On dit souvent que l’expérience est une force. Et c’est vrai. Mais elle a un effet secondaire : plus on est expert, plus on peut avoir du mal à accepter de nouvelles idées.
C’est ce qui m’est arrivé. J’étais convaincu que l’éphédrine restait la meilleure option parce que je l’avais toujours utilisée.
Je voyais passer les recommandations sur la babynoradrénaline, mais inconsciemment, je les balayais d’un revers de main.
« Encore une mode passagère », pensais-je. Jusqu’au jour où j’ai été forcé de l’essayer. Et là, je me suis pris une claque.
Ce phénomène est bien documenté en psychologie cognitive.
On parle d’effet de retournement de l’expertise : les médecins les plus expérimentés, en particulier ceux qui ont longtemps exercé en spécialité, ont parfois du mal à adapter leurs pratiques aux évolutions médicales.
Pourquoi ?
Pour trois causes principales :
👉 Rigidité des schémas mentaux : Un médecin qui a traité des centaines de cas d’une certaine façon aura tendance à rejeter des approches plus récentes qui contredisent ses habitudes.
👉 Moins de remise en question : Avec l’expérience, on développe une confiance en son jugement (ce qui est essentiel !), mais cela peut aussi réduire l’attention portée aux nouvelles données ou recommandations.
👉 Déconnexion avec les avancées : Les jeunes médecins sont souvent à jour sur les dernières études, alors que certains praticiens plus anciens peuvent s’appuyer sur des données devenues obsolètes.
Le danger ?
C’est nos patients !
Dans des disciplines comme la médecine d’urgence, l’anesthésie ou la réanimation, suivre les dernières recommandations peut être une question de vie ou de mort.
Dans d’autres spécialités moins vitales, les conséquences sont plus à long terme :
👉 Un patient mal pris en charge,
👉 Diminution des chances de guérison ou de rémission,
👉 Une qualité de vie inférieure.
Comment éviter ce biais ?
Un article de la Harvard Medical School traite de ce biais inconscient et propose des solutions :
Continuer à se former : Lire régulièrement des études, suivre des conférences, et ne pas hésiter à remettre en question ses pratiques.
Écouter les plus jeunes : Ils sont souvent au fait des dernières recommandations et apportent un regard neuf.
Accepter le doute : Reconnaître que nos connaissances ne sont jamais figées est un signe de sagesse.
L’expertise est précieuse, mais elle ne doit pas devenir un obstacle à l’évolution des pratiques médicales.
À bientôt !